En rapprochant la découverte
d’un parc naturel international comme l’est celui du Kilimandjaro, et ma
réflexion continue sur l’économie de montagne, j’ai trouvé des points d’appui à
la promotion de ces entités socio-économiques que sont devenus les territoires spécialement
protégés par les autorités publiques, au titre de l’intérêt que ces dernières
portent leur conservation, qu’il soit régional ou mondial.
Le dispositif qui nait de la
conservation a ceci de plus ingénieux, que le prix de la protection ne fait pas
débat chez ceux qui doivent le payer, en même temps qu’il gratifie les acteurs
locaux de leur consentement à ce que l’usage de ces zones protégées leur soit en
partie soustrait.
Le commentaire sera plus éclairant
à l’énoncé de quelques exemples, comme avec le calcul sommaire des revenus
tirés de l’usage du parc national du Kilimandjaro, qui serait à peu prés
ceci :
Les droits d’entrée étant
d’environ 630 USD par personne (dés lors que l’usager en vient à être doté de
porteurs chargés à 20 kg maximum, et d’un ou plusieurs guides), chaque
intervenant local (porteur et guide) fait rapporter environ 250 USD de revenu
pour l’administration du parc. Avec l’hypothèse d’une modeste moyenne quotidienne
de 100 aspirants au sommet, pendant environ huit mois, leur contribution
annuelle s’élèverait à plus de 15 millions de dollars. L’observation des
pratiques permet aussi d’avancer que, plus modestement, le revenu direct tiré
de chaque ascension serait autour de 35 USD par semaine et par porteur, le
double pour un guide, et même si ces rémunérations sont assurées sous forme de
pourboires, ceci excède largement le revenu mensuel moyen des foyers. Sur la
base des mêmes estimations (3 locaux pour chaque entrée) l’économie locale en
tirerait 2,5 millions USD par an, auxquels il faut ajouter l’achat des denrées
nécessaires aux expéditions et le coût d’utilisation des équipements de
bivouac. Il me serait difficile d’afficher des estimations sur ce dernier
poste, mais ceci a peu d’importance pour la démonstration selon laquelle le
parc national du Kilimandjaro est un outil économique de premier ordre en
Afrique de l’Est. Ajouté au fait que la TANZANIE, destination lointaine pour
les pratiquants qui viennent des quatre coins du globe, incite à rentabiliser
le déplacement par un séjour prolongé pour pratiquer un Safari dont le coût
serait en moyenne de 300 USD, ce constat fait des parcs naturels une donnée économique
et sociale structurelle majeure.
Mais j’ai observé aussi, au cœur
du Ngorongoro crater, une intéressante cohabitation entre des troupeaux de
zébus, et des hardes de Zèbres et de Gnous, comme si l’intermission entre
faunes sauvage et domestique était niée par un accord tacite, autorisant les
pasteurs Massaï à conduire leurs troupeaux, pendant les heures d’ouverture de
ce parc classé au patrimoine mondial, sur les herbages dédiés aux espèces
protégées, qui y trouveraient en retour un bouclier contre leurs prédateurs.
Ainsi, réalisme économique et
pragmatisme pastoral donnent un éclairage tout particulier à ces contrées qui
n’auraient de richesses que naturelles. Au bénéfice du reste de l’humanité,
dont je fais partie en venant d’une vallée pyrénéenne, qui peut s’enorgueillir,
elle aussi, de sites et paysages remarquables.
Toutefois, force est de
constater que chez nous les acteurs locaux n’y trouvent pas la gratification
qu’une contribution à la conservation pourrait leur valoir. Il y a certes les
contrats nature et paysages, développés en marge du soutien à l’agriculture de montagne,
mais ils ne le sont que dans l’idée d’un maintien des activités pastorales, et
non avec celle d’un entretien d’un site ou d’un parc, la puissance publique
étant étrangère à l’exécution de ce contrat d’exploitation. En fait, si l’on
s’en tenait à l’expérience de réintroduction de l’ours dans les Pyrénées, le
relatif échec de cette politique montre bien que sa conception n’est pas
d’inspiration pragmatique, mais doctrinaire et centralisatrice. L’Etat central
a conçu sa mission de réintroduction de l’espèce et de sa protection, sans se
préoccuper de l’impact sur le milieu, et, plus grave, sans s’intéresser à une
possible valorisation. Dés lors aucune idée de cohabitation construite n’a pu
voir le jour, et aucune ressource nouvelle n’a été conçue comme pouvant en être
issue. Faut-il en rester là ?
De mon point de vue ce serait
dommage, et je verrai d’un meilleur esprit que l’on se préoccupât d’élargir la
question à tout le domaine naturel, par exemple défini par la directive Natura
2000, afin de créer des zones d’intérêts que l’on doterait d’un appareil de
découverte, d’entretien et d’éducation, justifiant la perception de droits
d’accès et facilitant l’exercice de métiers de la montagne tournés vers ces
fonctions de découverte, d’entretien et d’éducation.
J’ai déjà exposé dans ces
colonnes des idées similaires, en plaidant pour la mise en tourisme de la
biodiversité, notamment autour de l’Hospice de France, où il me paraît possible
(et nécessaire) de réglementer les accès, et de fournir des services nouveaux
aux visiteurs qui seraient plus nombreux à venir, intéressés par le support
culturel qui leur serait alors prodigué. La valorisation des richesses
naturelles n’en est qu’à ses prémisses, chez nous.